Yves Hanania





Le Luxe contre-attaque Accélérations et disruptions d'Yves Hanania, Isabelle Musnik et Philippe Gaillochet... Yves Hanania, auteur principal, expert du luxe, a bien voulu répondre à mes interrogations... Il vous éclaire sur ce monde à la fois impénétrable et fascinant...

Indispensable pour appréhender ce curieux phénomène où la crise du Covid s'est révélée dans le secteur du luxe un formidable accélérateur des transformations commencées avant la pandémie, pour comprendre les enjeux et les stratégies de ce secteur clé de l'économie mondiale, ce livre rend compte de l'avènement d'un « nouveau normal » engendrant de nouvelles demandes, règles et standards.

Y-aurait-il selon vous une définition du Luxe...

Avant d'aborder la définition du luxe, qui est plurielle, une dimension immuable du luxe illustre sa vraie nature, d'être éternel. En 1955, à quelques kilomètres de Moscou, on a découvert la tombe d'un homo sapiens qui avait vécu il y a 28000 ans. Son squelette était recouvert de 3500 perles en ivoire de mammouth. Il arborait également une coiffe décorée et plusieurs bijoux.
Pour moi le luxe est un concept pluriel dans lequel coexistent vêtements, bijoux, art, architecture, design, voyages, hôtellerie,  mais c'est aussi des choses sans prix. Récemment la marque de luxe Golden Goose mettait au coeur de sa stratégie la culture, en précisant... La culture est le nouveau luxe...
Le luxe est bien plus que les produits vendus par les marques. Il est multi-dimensionnel. Il renvoie aussi au plaisir individuel où le bien-être prend toute sa place : spas haut des gamme, saveurs inédites proposées par des grands chefs, tourisme haut de gamme local, bientôt voyages dans l'espace...

L'expérience devient un élément essentiel du luxe. Des destinations comme Heritage Resorts à l'île Maurice s'adressent à une clientèle à la recherche de lieux d'exception, de sanctuaires qui leur permettent de se ressourcer et de vivre pleinement le luxe comme une expérience.

Aujourd'hui le luxe s'attache à des valeurs qui animent sa raison d'être comme l'engagement, la responsabilité, en dehors des valeurs qui l'ont toujours défini comme la créativité et l'innovation.

Si oui, mettez-vous dans la même catégorie : une montre, un bijou haute joaillerie, un accessoire, une voiture Ferrari par exemple, un parfum, un soin cosmétique. C'est-à-dire peu importe le prix de l'objet, seule compte la marque de l'objet...

De nombreuses marques ont choisi la diversification afin d'exprimer notamment la notion de style de vie, de « lifestyle ». Cette dimension « lifestyle » est devenue pour certaines marques un prétexte pour accroitre leur chiffre d'affaires. Les marques de luxe offrent aujourd'hui une grande variété de produits, de services et d'expériences.  
Cette diversification participe à un écosystème et un style de vie. Le prix n'est qu'un facteur. Donc oui, il existe de nombreux segments de l'industrie du luxe qui offrent chacun sa part de luxe.

Luxe et l'amour du Beau...
Y-a-t-il une manière de porter un objet de luxe afin de ne surtout pas confondre « afficher son opulence »...
Ce qui peut devenir alors vulgaire...

De nouveau, le luxe s'adresse à différentes personnes et audiences. En fonction de leur culture, maturité, âge...

Pour beaucoup, le luxe est statutaire. Mais il n'est en fait pas que cela. Il permet également d'exprimer sa propre personnalité. Il peut être discret, lié à des expériences, relié à la nature, mais aussi ostentatoire pour certains. Chacun s'approprie et consomme le luxe à sa façon.

« La location d'objets de luxe et les transactions entre particuliers, notamment dans la mode, sont deux phénomènes en pleine expansion qui touchent peu à peu tous les objets de luxe personnels. », constatez-vous. Véritable boom ajoutez-vous.
Cela signifie que le luxe ne s'adresse plus à une catégorie sociale privilégiée...

Le luxe en effet ne s'adresse plus seulement à une seule catégorie de privilégiés. Mais la location ou les transactions s'adressent aussi aux consommateurs habituels du luxe.

Bien que la location puisse rendre le luxe plus accessible, certains produits et services haut de gamme restent exclusifs et réservés à une catégorie sociale privilégiée en raison de leurs prix élevés.

De plus, certains produits de luxe sont encore considérés comme un symbole de statut social, et certains clients peuvent donc être réticents à les louer plutôt qu'à les acheter.

« L'avènement d'un luxe virtuel »... Vous pouvez nous en dire un peu plus...

Deux aspects du luxe virtuel :
* La mode virtuelle qui est une tendance de fond depuis la création de The Fabricant en 2018, la première maison de couture numérique au monde.
* Deuxième aspect : les influenceurs virtuels qui ont pour nom Lil Miquela, Shudu Gram, Ronnie Blawko ou Noonoouri. Devenus en peu de temps des superstars 2.0, ils sont désormais les porte-paroles de marques de luxe.

Le phénomène a démarré en 2013. Marc Jacobs avait en effet dessiné les costumes de scène de Hatsune Miku, star de la chanson japonaise 2.0 lors d'une tournée mondiale.

Depuis, le poids de ces créatures créées de toutes pièces par des programmes informatiques s'est réellement intensifié.
Afin d'atteindre la cible des Millennials, les marques - notamment dans l'univers de la mode et de la beauté - font de plus en plus appel à leur « talent ».

Les sites ont explosé... Pourtant rentrer, acheter dans une boutique de luxe fait partie du rêve du bel objet que l'on convoite. Comment expliquez-vous ce déplacement de l'achat...
Il n'y a pas déplacement, il y a complémentarité.
La Covid et la fermeture des magasins ont certes entraîné une explosion des achats sur Internet et le e-commerce s'est imposé.
Mais l'e-commerce ne devrait toutefois pas faire baisser la fréquentation de la clientèle en boutique.

La clientèle féminine des classes supérieures, selon une enquête réalisée début 2021 aux États-Unis par l'IFOP, préfère effectuer ses achats de produits de luxe très haut de gamme dans les boutiques de la marque.

Aujourd'hui, le luxe est plus serviciel et expérientiel, avec une importance croissante de l'Entertainment. Les magasins doivent de plus en plus être de véritables théâtres ; offrant des expériences, de l'émotion. D'ailleurs le rythme des ouvertures est reparti et on ne compte plus les nouveaux flagships, grands magasins et nouveaux concepts. Les boutiques sont également plus connectées, comme le concept store de Burberry en Chine.

À Shenzhen, une application téléchargeable gratuitement en magasin accompagne et guide les clients au fil des espaces de vente. Le magasin de 538 m2 a été redécoupé en dix espaces thématiques, qui proposent des contenus exclusifs avec une découverte des collections et des informations sur les produits. Un dispositif de gamification original a aussi été mis en place.

Pour susciter le clic et engager davantage les clients, l'application propose des récompenses. Plus le client utilise l'application et navigue dans les contenus numériques, plus il cumule de points, qui lui donnent droit à des bonus. De quoi faire grimper rapidement le taux d'engagement.

L'application WeChat installée dans la boutique Burberry vise aussi à offrir une expérience d?achat sur-mesure. La personnalisation est au coeur de cette logique. Et les trois cabines d'essayage n'échappent pas à la règle. En préparant sa visite à l'avance, le client peut réserver la cabine de son choix. Il peut aussi prendre rendez-vous avec l'un des personal shoppers de la boutique.




Le Luxe contre-attaque
Accélérations et disruptions
Yves Hanania -  
Isabelle Musnik - Philippe Gaillochet

Préfacé par Laurent Boillot, P.D.G. d'Hennessy et Cyril Chapuy, Président de L'Oréal Luxe

Editions Dunod

28 euros

En vente dans toutes les bonnes librairies

www.dunod.com

Ce livre fait suite à la publication des auteurs Le Luxe demain : les nouvelles règles du jeu, en janvier 2019 aux Editions Dunod.

Les auteurs

Yves Hanania
Fondateur du cabinet de conseil Lighthouse, spécialisé en stratégie et développement de marque, il travaille avec de nombreuses marques du luxe et de mode. Titulaire d'un MBA de la Kellogg School of Management, où il a enseigné en 2021 le marketing du luxe, il intervient dans plusieurs MBA dans le monde, dont à l'Indian School of Business et à l'ESSEC-IMHI.

Isabelle Musnik
Fondatrice et directrice de la publication de la revue trimestrielle INfluencia et de sa newsletter quotidienne, elle a été rédactrice en chef du Guide de Luxe et éditrice du magazine CB News, pour lequel elle dirigeait les numéros « Spécial Luxe ».

Philippe Gaillochet
Cofondateur d'Ipesup, cofondateur et directeur du MBA Institute, il a été conseiller scientifique et directeur informatique à l'Assemblée Nationale, il est aujourd'hui Conseil en entreprise.


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